La création du Collège de France L'enseignement à Paris avant le Collège de France Lors de l’accession au pouvoir de François Ier en 1515, Paris est une des rares villes universitaires d’Europe où le Grec et les langues anciennes ne sont pas enseignés. L’Université de Paris, conservatrice, reste attachée à la scolastique et il faudra du temps avant que ses cadres n’acceptent de changer de paradigme d’enseignement. Cependant, des esprits s’élèvent et souhaitent une évolution. Ils seront représentés par l’humaniste Guillaume Budé, notaire et secrétaire du roi qui n’aura de cesse de 1517 à 1530 de demander à celui-ci de créer un collège de lecteurs royaux qui enseignerait les langues anciennes et les disciplines absentes de l’Université.
À cette époque, il est de plus en plus difficile pour un jeune homme d’origine modeste d’accéder à l’Université. En effet, le nombre de professeurs devient trop important et ces derniers, pour subvenir à leurs besoins, face à la concurrence, réclament de plus en plus d’argent à leurs élèves pour suivre leurs cours. Budé souhaite donc que les futurs lecteurs royaux soient rémunérés par le trésor royal, et non par les étudiants, et enseignent gratuitement à tous. Cependant, François Ier doit composer avec le pouvoir de la Sorbonne qui verrait d’un mauvais œuil lui échapper certains enseignements et il mettra de nombreuses années, même après sa captivité suite à la bataille de Pavie, à accéder à la requête de Guillaume Budé. En 1530 François Ier finit par instituer la charge des lecteurs royaux, pour laquelle une rente sera attribuée, même si celle-ci ne sera pas toujours suffisante et reversée souvent avec retard. Les lecteurs royaux Le Collège Royal n’est pas encore à cette époque une entité morale, mais est seulement constitué de l’ensemble des lecteurs royaux. Les chaires originelles ont été attribuées pour l’enseignement du grec, de l’hébreu et des mathématiques. Jusqu’à présent, cette dernière discipline n’était qu’incluse dans le cursus de médecine et n’avait pas de professeur spécialisé. Le cours de latin ne fut ajouté qu’en 1534 de peur de la réaction de la Sorbonne face à sa perte de monopole. Dès cette époque, l’usage de la leçon inaugurale que nous connaissons toujours aujourd’hui au Collège de France semble être en place.

Le Collège de France actuel porta tout d’abord le nom de Collège Royal, puis durant une pé- riode le Collège Impérial avant de prendre sa dénomination définitive en 1870. Les leçons des premiers temps ne sont pas données dans un lieu unique mais le furent dans différents collèges. On peut noter celui de Cambrai, appelé également Collège des Trois-Évêques, ou encore celui de Tréguier. Ces collèges sont situés autour de la place de Cambrai, actuelle place Marcelin Berthelot. En 1610, peu avant son assassinat, Henri IV décide de les réunir, et les travaux seront achevés en 1612 par la régente Marie de Médicis.
Reconsitution du collège de CambraiI à la fin de la période médiévale. J.-C. Golvin

Les leçons des premiers lecteurs royaux sont fréquentes et placées sous l’égide de la liberté et de l’indépendance. Le succès ne se fait pas attendre, des affiches sont mêmes placardées (les placards peuvent être considérés comme des ancêtres des affiches publicitaires) dans les rues de Paris pour annoncer les futurs cours. Mais la Sorbonne va rapidement condamner ces nouveaux enseignements, les déclarants scandaleux, hérétiques et entachés de protestantismes. Il y aura même des procès menés au parlement de Paris pour contester le fait que des philologues s’occupent d’enseigner le fait religieux.

Dans le même temps les lecteurs du collège étaient contraints de plaider auprès du roi pour toucher leur modeste salaire alors que celui-ci dépensait sans compter pour construire les magnifiques palais que nous lui devons. La situation n’était donc pas des plus rassurantes pour l’avenir de l’institution. Cependant, sur la fin de sa vie, François Ier la consolidera. Il signe l’acte de 1546 qui est pour certains la véritable charte de fondation du Collège de France, celle qui lui permettra d’atteindre son autonomie. Pierre de la Ramée Pierre de la Ramée (1515 - 1572) est le troisième lecteur royal pour la chaire de mathématique. Son œuvre mathématique est peu novatrice au niveau théorique mais il sera un acteur majeur du renouveau de l'enseignement de cette discipline et permettra de faire la transition entre la scholastique et l'esprit scientifique du siècle suivant.

Pierre de la Ramée, véritable esprit de la Renaissance, oeuvra toute sa vie pour renverser les dogmes et ce dès son sujet de thèse, « Rien de ce que qu’Aristote a avancé n’est vrai », sans qu’on ne le prenne au sérieux dans un premier temps. Cependant, il mit toute sa force intellectuelle, à vouloir faire de la Logique la méthode universelle pour accéder à la connaissance, et s’opposa donc à la scolastique. Ces cours novateurs eurent de plus en plus de succès et il finit par être interdit d’enseigner la philosophie sous la pression de ses adversaires conservateurs.

Il mit alors en application sa méthode pour l’enseignement des mathématiques, et obtient la chaire de cette discipline au collège Royal. Cependant, ses ennemis devinrent de plus en plus féroces à son égard, et connaissant sa conversation au protestantisme, ils profitèrent des mas- sacres de la Saint-Barthélemy pour l’assassiner et, selon certaines sources, traîner son corps de collèges en collèges pour démontrer qu’Aristote avait vaincu.
Malgré cette fin tragique, l’influence de Pierre de la Ramée ne s’arrêta pas là, et on pu voir sa méthode s’épanouir après lui. Certains iront même dire que sa démarche de repartir de zéro dans une discipline pour reconstruire les savoirs par la logique put inspirer quelques décennies plus tard René Descartes.

La rigueur d’esprit et la logique imposée par Pierre de la Ramée se retrouve dans le travail et l’oeuvre de François Viète dont l'impact sera durable et majeur même pour les mathématiques. L’un des aspects fondamentaux du ramisme, qui eu une influence majeure, en particulier sur Viète, est le fait d’exhiber le général à partir du particulier.