DM ∼ Quelques sommes infinies La notion d'infini en mathématiques a toujours était source de débats et de paradoxes. Nous allons étudier dans ce devoir maison des objets que l'on appelle aujourd'hui des séries (qui sont des sommes infinies) et qui ont longtemps posées problèmes aux mathématiciens. Voici quelques réflexions qui ont parcourru l'histoire des mathématiques et qui démontrent que l'infini est une notion difficile à apprivoiser : Découpage de l'unité Soit $[A_0B]$ un segment de longueur $1$ et $A_1$ son milieu. On considère de plus $A_2$ le milieu de $[A_1B]$, puis $A_3$ celui de $[A_2B]$, et pour tout entier $n$, on définit le point $A_{n+1}$ comme le milieu de $[A_nB]$. Xmin = -0.5 Xmax = 1.5 Ymin = 0 Ymax = 2 segment([0,1],[1,1]) texte("A",[-0.12,1]) texte("0",[-0.07,0.95]) texte("B",[1.03,1]) curseur("n",1,1,20,1) l = 0 c = 1 for(i=0 ; i<{n};i++){ c = 2*c l = l + 1/c couleur = rouge segment([0,1],[l,1]) segment([l,0.95],[l,1.05]) } couleur = noir if({n} > 0){ texte("A",[l,0.7]) texte({n},[l+0.06,0.6]) }
On définit les suites $(\ell_n)$ et $(s_n)$ pour tout entier $n$ par : $\ell_n=A_nA_{n+1}$ et $s_n=A_0A_n$.
  1. Déterminer $\ell_0$, $\ell_1$ et $\ell_2$.
  2. Déterminer $s_0$, $s_1$, $s_2$ et $s_3$.
  3. Quelle est la nature de la suite $(\ell_n)$ ? Donner l'expression de $\ell_n$ en fonction de $n$.
  4. Exprimer $s_3$ en fonction de $\ell_0$, $\ell_1$ et $\ell_2$.
    En déduire, pour tout entier $n\geq 1$ l'expression de $\s_n$ en fonction d'une somme écrite à l'aide du symbole $\displaystyle{\sum}$.
  5. Déterminer l'expression de $s_n$ en fonction de $n$.
  6. Calculer $\displaystyle{ \lim_{n\rightarrow+\infty}s_n }$.
  7. Robert Grosseteste (vers 1168 - 1253) explique un passage d'un texte d'Aristote en écrivant : « [Aristote] ajoute encore que l’infini par division est en quelque manière le même que l’infini par addition. En effet, comme la ligne entière est divisée en deux moitiés, et de nouveau la moitié en deux moitiés, et ainsi de suite indéfiniment, à mesure que la division est multipliée, ainsi l’addition à ce qui a été pris auparavant [se poursuit] toujours. Et en effet, dans la première division on prend une moitié ; dans la deuxième division, une moitié et un quart ; dans la troisième, une moitié et un quart et un huitième. Et ainsi, de même que la division [se poursuit] indéfiniment, de même [se poursuit] indéfiniment l’addition, et ce qui est pris croı̂t toujours indéfiniment ; et cependant une telle addition ne produira jamais par agrégation [des termes] une grandeur infinie. »
    Faire le lien entre les propos de Robert Grosseteste et la question précédente.
Un paradoxe de Zénon d'Elée Zénon d'Elée est un philosophe grecque du Ve siècle avant J.-C. dont le nom est resté attaché à plusieurs paradoxes concernant la notion d'infini. Aristote introduira les notions d'infini en acte et d'infini en puissance pour essayer de lever les contradictions introduites par Zénon. Comme nous l'avons vu dans la partie 1, les discussions sur ces notions durèrent encore quelques siècles après eux.
Voici un des paradoxes énoncés par Zénon d'Elée :
Achille en pleine course ne pourra jamais rattraper une tortue marchant devant lui, car il devra avant tout atteindre le point de départ de cette dernière. Or, quand il aura atteint ce point, la tortue aura avancé ; il lui faudra alors atteindre sa nouvelle position, et lorsqu'il l'aura atteinte, la tortue aura de nouveau avancé, etc. La tortue sera donc toujours en tête.
On note $L>0$ la distance qui sépare Achille de la tortue à l'instant $t=0$.
On note de plus $v_A$ et $v_T$ les vitesses (constantes) respectives d'Achille et de la tortue. On suppose que $v_A > v_T$.
Soient enfin, $d_A(t)$ et $d_T(t)$ les distances parcourues respectivement par Achille et la tortue à l'instant $t$.
  1. Soit $n$ un entier naturel. Décomposons les étapes du parcours d'Achille comme le propose Zénon en notant $a_n$ la distance parcourue par Achille entre deux déplacements.
    On a donc $a_0=0$ et $a_1=L$.
    On note de plus $t_n$ le temps mis par Achille pour parcourir la distance $a_n$.
    Et on définit la suite $s_n$ pour tout entier $n$ par : $$s_n=\sum_{k=0}^n a_k.$$
    1. Exprimer $t_1$ en fonction de $a_1$ et de $v_A$.
    2. En déduire que $a_2=\dfrac{v_T}{v_A}a_1$.
      On utilisera le fait que $a_2$ représente la distance parcourue par la tortue dans le laps de temps $t_1$.
    3. En effectuant le même raisonnement que dans les questions précédentes mais à l'étape $n$, démontrer que la suite $(a_n)$ est géométrique. On précisera sa raison.
    4. Expliquer ce que représente la suite $(s_n)$ par rapport à Achille.
    5. Déterminer l'expression de $s_n$ en fonction de $n$.
    6. Calculer $\displaystyle{ \lim_{n\rightarrow+\infty}s_n }$ et donner une réponse à Zénon.

  2. On cherche à vérifier dans cette question le résultat précédent de manière plus classique sans passer par le raisonnement de Zénon.
    1. Exprimer $d_A(t)$ en fonction de $v_A$ et de $t$.
    2. Exprimer $d_T(t)$ en fonction de $v_T$, de $L$ et de $t$.
    3. Résoudre l'inéquation $d_A(t) \geq d_T(t)$.
    4. En déduire l'instant où Achille rattrape la tortue ainsi que la distance parcourue à cet instant.
La série harmonique et Nicolas Oresme Nicolas Oresme (vers 1320 - 1382) est un des grands esprits européens du XIVe. Il a traité de nombreux sujets (économie, philosophie, physique, physique naturelle, musicologie, mathématiques) et à étudier également les problèmes de sommes infinies qu'il appelle « tout ».
Il étudia en particulier la série harmonique qui est la somme de tous les inverses d'entiers naturels.

Pour tout entier $n\geq1$ on note : $\displaystyle{H_n=\sum_{k=1}^n\dfrac{1}{k}}$.
  1. Donner à $10^{-3}$ les valeurs de $H_1$, $H_2$, $H_3$ et $H_4$.
  2. Compléter l'algorithme suivant pour que la fonction H qu'il définit, retourne les valeurs de $H(n)$ pour tout $n\geq1$.

  3. def H(n): h = 1.0 for i in range(,n): h = h+ return h
  4. En exécutant cet algorithme donner une valeur approchée à $10^{-5}$ de $H_{1000}$.
  5. Montrer que pour tout entier $n\geq 1$, $\displaystyle{H_{2n}-H_n=\sum_{k=1}^n\dfrac{1}{n+k}}$.
  6. Comparer, pour tout entier $k\geq 1$, $\dfrac{1}{n+k}$ et $\dfrac{1}{2n}$.
    En déduire que pour tout entier $n$, $H_{2n}-H_n\geq \dfrac{1}{2}$.

  7. Nicolas Oresme arrivant lui aussi à ce stade de calculs (mais écrit autrement bien-sûr) affirme alors :
    « il y a ici, dit-il, une infinité de parties dont chacune sera plus grande que la moitié d’un pied, donc le tout sera infini. »
    Quelle conclusion tire-t-il alors pour ce que nous notons $\displaystyle{ \lim_{n\rightarrow+\infty}H_n }$ ?
Remarque
Le raisonnement d'Oresme est remarquable à deux points vus :